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Rendez-vous avec les juges : venez en apprendre davantage sur votre Cour suprême au Musée canadien pour les droits de la personne (Winnipeg)


Allocution du très honorable Richard Wagner, C.P.
Juge en chef du Canada

Merci pour cette aimable présentation. Et merci, Dr. Young, de nous accueillir ici, en ce lieu extraordinaire, un véritable monument pour les droits de la personne. Merci également au juge en chef Chartier, qui, lorsque je lui ai dit que la Cour viendrait dans sa ville, a immédiatement commencé à planifier l’événement qui nous réunit ici aujourd’hui. Merci.

Et merci à vous, Mesdames et Messieurs, de vous joindre à nous. Mes collègues et moi-même sommes ravis de voir que tant de gens sont venus faire la connaissance de leur Cour suprême. Nous sommes vraiment heureux de pouvoir partager ce moment avec vous. Cette assemblée ne ressemble à rien de ce que nous avons fait précédemment. En ce qui me concerne, j’ai très hâte de répondre à vos questions et d’entendre ce que vous avez à dire.

Mais d’abord, permettez-moi de dire quelques mots sur les raisons pour lesquelles nous sommes ici et pour lesquelles nous avons jugé important que la Cour vienne. Des gens m’ont demandé pourquoi la Cour a choisi Winnipeg comme endroit où, pour la toute première fois de son histoire, elle entendrait des appels à l’extérieur d’Ottawa. C’est très simple. Le juge en chef Chartier et le juge en chef Joyal m’ont convaincu que le Manitoba était la province la plus accueillante et que nous passerions un moment formidable ici. Et ils avaient bien raison!

Mais, de surcroît, Winnipeg est un carrefour, un lieu de rencontre, et ce, à plusieurs égards. Considérée à l’échelle du pays, elle se trouve au centre géographique du Canada. Considérée à une échelle plus locale, c’est ici que se rejoignent deux grandes rivières : la Rouge et l’Assiniboine. Son emplacement en faisait un lieu d’échanges important pour les peuples autochtones, des millénaires avant l’arrivée des premiers colons. Aujourd’hui, Winnipeg est une ville moderne et multiculturelle – un véritable microcosme du Canada.

Un autre facteur tout aussi important est le fait que Winnipeg et le Manitoba ont été le théâtre de certains des moments clés de l’histoire judiciaire du Canada – et de l’histoire des droits de la personne dans notre pays. En 1919, plus de 30 000 ouvriers ont abandonné leur poste afin de lutter pour de meilleures conditions de travail. La Grève générale de Winnipeg a paralysé la ville. À court terme, les ouvriers n’ont pas gagné grand-chose. Mais leur lutte a inspiré d’autres personnes. Des décennies plus tard, les travailleurs canadiens ont obtenu le droit de se syndiquer et celui de négocier collectivement, droits qui ont été constitutionnalisés par la Charte canadienne des droits et libertés.

Mais cinquante années avant la grève, un autre combat pour les droits et la justice s’est déroulé sur les terres où nous nous trouvons. Le Comité national des Métis, dirigé par Louis Riel, a négocié les conditions d’une union avec le Canada, et ce, dans des circonstances très difficiles. En 1870, la Province du Manitoba s’est jointe à la Confédération, aux termes d’un accord stipulant que la province serait officiellement bilingue et qu’un million quatre cent mille acres de terres seraient réservés pour les enfants des résidents Métis. Ce n’est qu’en 2013 toutefois que les droits des Métis seront confirmés. Il arrive parfois que les rouages de la justice tournent lentement.

Mais ils n’en tournent pas moins. Et c’est le rôle des tribunaux de faire en sorte qu’ils tournent. C’est le rôle des tribunaux de veiller à ce que les droits des gens soient protégés. Il est donc approprié que nous vous rencontrions ici, au Musée canadien pour les droits de la personne, un musée dédié à la mémoire et à la célébration des luttes comme celles qui se sont déroulées dans cette province, ces luttes et beaucoup d’autres encore. Lutter pour ses droits n’est jamais chose facile, mais grâce aux efforts de tous ceux et celles qui nous ont précédés que nous jouissons de tels droits aujourd’hui. Ces droits et bien d’autres sont reconnus, et il est possible de s’adresser aux tribunaux pour les faire respecter. Et ces droits, comme ceux qui sont garantis par la Charte, sont fondamentaux pour le maintien de notre démocratie et de la primauté du droit.

À la Cour suprême, tout ce que nous faisons vise à soutenir la primauté du droit. Notre tâche essentielle consiste à rendre des décisions indépendantes et impartiales sur des questions importantes pour vous. Les causes que nous entendons n’ont évidemment pas toutes des répercussions sur l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens. Mais chacune d’elles influe sur les rapports qu’ont les gens entre eux, avec leurs gouvernements, avec leurs employeurs ou avec d’autres institutions. Même lorsque nous décidons du sort d’un litige entre deux parties données, nous clarifions par le fait même le droit pour tout le monde.

C’est pour cette raison qu’il est important que les gens comprennent comment et pourquoi la Cour est arrivée à une décision. Car il n’est pas facile d’avoir confiance en quelque chose qu’on ne comprend pas. Il n’est pas facile de faire confiance à ceux qui prennent les décisions, si on ne sait pas qui ils sont. Voilà pourquoi il est si important à mon avis que nous puissions vous montrer, de près et en personne, comment fonctionne notre système de justice, et qui sont les juges.

C’est pour cela que mes collègues et moi-même sommes ici aujourd’hui. C’est pourquoi la cour entend pour la toute première fois de son histoire des appels ailleurs qu’à Ottawa. Nous voulons que vous puissiez observer et comprendre ce que nous faisons. Notre présence ici à Winnipeg vous permet d’assister un peu plus facilement en personne à une audience de votre plus haute cour. Depuis que j’ai été nommé juge en chef, rendre la Cour plus ouverte et accessible pour l’ensemble de la population canadienne a été l’une de mes priorités. Et ce, pas seulement pour les membres de la profession juridique ou les gens qui vivent à Ottawa. Mais pour tout le monde.

Nous ne faisons pas cela parce que nous voulons être « populaires ». Les tribunaux rendent des décisions qui sont indéniablement _im_populaires. C’est là un des risques du métier. Les juges n’ont pas besoin que tout le monde au Canada les aime. Faites-moi confiance, les juges ne sont pas des gens à l’épiderme sensible. Nous sommes capables d’en prendre. Ce que nous souhaitons c’est que vous compreniez qui nous sommes et ce que nous faisons – quel est notre rôle dans la société canadienne, en quoi consiste le travail que nous faisons et quelle incidence a ce travail sur vous.

Dans le cadre des efforts qu’elle déploie à cette fin, la Cour a publié en avril dernier sa première Rétrospective annuelle. Rédigé dans un langage simple et agrémenté de photos et de graphiques, ce document décrit et explique les travaux et activités de la Cour. Nous avons également commencé à publier, en mars 2018, des documents intitulés « La cause en bref », de courts résumés de chacune des décisions que rend la Cour. En date de vendredi, nous en avions publié 60. Nous avons également publié deux éditions spéciales de ce document, que nous avons appelées « La cause en bref préliminaire », afin de vous aider à comprendre rapidement les questions en jeu dans les appels que nous entendons cette semaine.

Nous avons également commencé à faire appel aux nouveaux moyens de communication, en publiant régulièrement des mises à jour sur Facebook et Twitter, que vous consulterez j’espère afin de rester au courant de nos travaux et activités.

Il va de soi que nous ne pouvions pas vous emmener tous dans notre salle d’audience à Ottawa. Mais nous avons trouvé un moyen d’apporter ici à Winnipeg, à votre intention, un peu de notre salle d’audience – et, en fait, de tout notre édifice. J’espère que vous apprécierez cette visite guidée virtuelle. Cela dit, il y a déjà un bon moment que je parle et nous ne sommes pas venus ici pour parler. Mais bien plutôt pour écouter : bien sûr pour écouter les avocats présenter leurs arguments dans deux affaires, mais aussi pour écouter les gens que nous allons rencontrer au cours de la semaine. Je crois que je vais clore sur ces propos, et après le visionnement de la vidéo, mes collègues et moi-même écouterons ce que vous avez à nous dire.

Merci de votre attention.

Allocution prononcée par le très honorable Richard Wagner, C.P.
Juge en chef du Canada
Musée canadien pour les droits de la personne
Winnipeg (Manitoba)
Le 25 septembre 2019

Date de modification : 2024-12-20