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La Cause en bref

Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.


Statue de la Cour suprême du Canada

Salomon c. Matte-Thompson

Informations supplémentaires

Sommaire de la Cause

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La Cour suprême conclut qu’un avocat qui a recommandé de façon répétée à ses clients d’investir dans des fonds dont la promotion était assurée par la société de placements de son ami est responsable des pertes de ses clients découlant du fait que ces fonds se sont révélés être un stratagème de type Ponzi.

Les gens retiennent les services d’avocats pour qu’ils les aident à prendre d’importantes décisions. Ils doivent être en mesure de leur faire confiance; ils sont en droit de s’attendre à ce que leur avocat soit compétent et consciencieux et qu’il agisse dans l’intérêt de ses clients et de personne d’autre. Pour que cette confiance soit assurée, les avocats ont certaines obligations professionnelles et déontologiques. Au Québec, le « devoir de conseil » et le « devoir de loyauté » sont deux de ces obligations.

Le devoir de conseil comprend plusieurs choses : l’avocat doit informer son client de tous les faits pertinents; il doit expliquer les conséquences possibles d’une action; et il doit aussi recommander à son client quoi faire. L’étendue de ce devoir dépend de quelques éléments, comme l’expérience et les connaissances du client, la raison pour laquelle les services de l’avocat sont retenus et l’expertise que l’avocat dit avoir. Le devoir de loyauté signifie que l’avocat doit être loyal envers son client. Il ne peut se placer dans une situation où son intérêt est en conflit avec celui de son client.

Me Salomon est un avocat. Il a été l’avocat de certaines entreprises des Thompson pendant de nombreuses années. En 2003, Mme Matte-Thompson lui demande conseil. M. Thompson, à son décès, lui a laissé de l’argent en fiducie. Elle veut vivre des intérêts seulement et laisser le reste de l’argent aux enfants. Me Salomon présente Mme Matte-Thompson à son ami, M. Papadopoulos, et lui recommande les services de sa société de placements, Triglobal Capital Management. Il dit à Mme Matte-Thompson que d’investir dans un des fonds dont la société de placements de M. Papadopoulos assure la promotion l’aidera à atteindre ses objectifs.

Encouragées par Me Salomon, Mme Matte-Thompson et l’entreprise dont elle est propriétaire investissent auprès de Triglobal et y conservent leurs placements. Au fil des ans, elles investissent ainsi plus de 7,5 millions de dollars dans deux fonds. En 2006, Mme Matte-Thompson dit à Me Salomon qu’elle a des préoccupations concernant les placements. Il la rassure et lui dit de conserver ces placements. Il dit aussi à M. Papadopoulos de la rassurer. En 2007, M. Papadopoulos et son associé disparaissent avec près de 100 millions de dollars, dont plus de 5 millions de dollars investis par Mme Matte-Thompson et son entreprise. Par après, Mme Matte-Thompson découvre que M. Papadopoulos a versé à Me Salomon environ 40 000 $ au cours des années où il les conseillait, elle et son entreprise.

En 2008, Mme Matte-Thompson et son entreprise ont intenté une poursuite contre Me Salomon et son cabinet d’avocats. Selon elles, Me Salomon avait manqué à son devoir de conseil vu qu’il avait recommandé, commenté favorablement et encouragé des placements inappropriés. Elles ont aussi soutenu qu’il avait manqué à son devoir de loyauté parce qu’il s’était placé en situation de conflit d’intérêts, ce qui a fait en sorte qu’il n’a pas tenu compte des risques qui se posaient.

La juge de première instance a conclu que M. Papadopoulos et son associé étaient responsables des pertes, mais pas Me Salomon. La Cour d’appel a jugé que la juge de première instance avait commis des erreurs importantes. Elle a conclu que Me Salomon était responsable et a infirmé la décision de la juge de première instance.

Les juges majoritaires de la Cour suprême ont statué que la Cour d’appel a eu raison d’intervenir. La juge de première instance n’a pas considéré l’ensemble des actions de Me Salomon de 2003 à 2007. Ils ont convenu avec la Cour d’appel que Me Salomon a manqué à son devoir de conseiller Mme Matte-Thompson et son entreprise parce qu’il les a encouragées à investir dans des fonds pendant plusieurs années et à conserver de tels placements, même s’ils ne leur permettaient pas d’atteindre leurs objectifs. Me Salomon n’a jamais analysé les fonds qu’il recommandait, tout en répétant que les placements étaient sûrs. Les juges majoritaires ont conclu que Mme Matte-Thompson n’aurait jamais investi dans ces fonds de Triglobal si Me Salomon n’avait pas manqué à son devoir de conseil. Ils ont aussi conclu que Me Salomon a manqué à son devoir de loyauté. Son amitié avec M. Papadopoulos et ses placements auprès de celui-ci l’ont placé en situation de conflit d’intérêts. Il a même parlé à M. Papadopoulos des préoccupations et des inquiétudes de Mme Matte-Thompson. De plus, M. Papadopoulos a versé de l’argent à Me Salomon pendant la période où il conseillait Mme Matte-Thompson et son entreprise. Ce dernier a eu tort de les conseiller dans ce contexte.

Cette affaire portait sur la responsabilité d’un avocat dans une situation où il va au-delà de la simple recommandation d’un autre professionnel à ses clients. La décision ne signifie pas que les avocats prennent un risque plus grand qu’avant lorsqu’ils recommandent un professionnel; les avocats peuvent recommander à leurs clients de consulter d’autres professionnels. Ils doivent simplement respecter leurs obligations professionnelles et déontologiques lorsqu’ils le font.

Date de modification : 2019-02-28