La Cause en bref
Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.
C.M. Callow Inc. c. Zollinger
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 18 décembre 2020
- Citation neutre : 2020 CSC 45
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Décompte de la décision :
- Majorité : le juge Nicholas Kasirer a accueilli l’appel (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella, Karakatsanis et Martin)
- Concordance : le juge Russell Brown a dit qu’il n’était pas nécessaire d’utiliser les concepts du droit civil pour procéder à l’analyse dans la présente affaire et que M. Callow méritait d’être indemnisé non pas parce qu’il s’attendait à ce que le contrat soit exécuté, mais parce qu’il s’était fié aux déclarations trompeuses des associations condominiales (avec l’accord des juges Moldaver et Rowe)
- Dissidence : la juge Suzanne Côté a affirmé que le contrat accordait aux associations condominiales le droit de mettre fin au contrat pour quelque raison que ce soit et que les associations n’avaient pas menti à l’appelante ou intentionnellement induit celle-ci en erreur; elle aurait rejeté l’appel
- En appel de la Cour d’appel de l'Ontario
- Renseignement sur le dossier (38463)
- Diffusion Web de l'audience (38463)
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Décisions des tribunaux inférieurs :
- Jugement (Cour supérieure de justice de l’Ontario) (en anglais seulement)
- Appel (Cour d’appel de l’Ontario) (en anglais seulement)
Sommaire de la Cause
Même si une personne est autorisée à mettre fin à un contrat, elle doit le faire de manière honnête, juge la Cour suprême.
Monsieur Callow exploite une entreprise offrant des services d’entretien d’immeubles. En 2010, son entreprise a conclu avec un certain nombre d’associations condominiales un contrat dans le cadre duquel elle a entre autres choses assuré des services de déneigement pendant deux hivers. En 2012, l’entreprise a conclu avec ces mêmes associations un nouveau contrat censé être pour deux autres hivers. Toutefois, le contrat précisait que, si les associations étaient insatisfaites des services qui leur étaient rendus, elles pouvaient y mettre fin pour quelque raison que ce soit. Il leur suffisait de donner un préavis de 10 jours.
Au cours de l’hiver 2012-2013, certaines personnes se sont plaintes du fait que leur espace de stationnement n’était pas toujours déneigé. M. Callow a assisté à une rencontre afin de discuter de ce problème. La rencontre s’est bien passée. Tout le monde semblait heureux de la situation. Quelques mois plus tard, une nouvelle gestionnaire a été désignée à l’égard des condominiums concernés, Mme Zollinger. Cette dernière a conseillé aux membres du comité responsable du contrat de mettre fin à celui-ci avant l’hiver suivant. Le comité a décidé de mettre fin au contrat, mais personne ne l’a dit à M. Callow.
Monsieur Callow pensait que tous étaient heureux de ses services. Des gens au sein des associations condominiales lui ont parlé et l’ont amené à croire qu’il obtiendrait probablement un autre contrat pour des hivers de plus. Il croyait que c’était vrai. Comme il avait également conclu avec les associations un contrat d’entretien estival, il a effectué gratuitement des travaux supplémentaires pendant l’été en vue de les inciter à renouveler son contrat d’entretien hivernal.
En septembre 2013, les associations condominiales ont avisé M. Callow qu’elles mettaient fin au contrat d’entretien hivernal, lui donnant ainsi le préavis de 10 jours requis. M. Callow a considéré que ce n’était pas juste. Il était trop tard pour qu’il puisse se trouver un nouveau contrat pour l’hiver qui venait. Il a affirmé que les associations ne s’étaient pas acquittées de leur « obligation d’exécution honnête » du contrat. Suivant cette obligation, les personnes qui passent un contrat ensemble ne peuvent se mentir les unes aux autres ou s’induire intentionnellement en erreur au sujet des engagements qu’elles ont pris dans le contrat. Cette obligation fait partie de tout contrat, même si les personnes qui concluent un contrat ne veulent pas l’inclure dans celui-ci.
Monsieur Callow a intenté une action en justice. Il réclamait plus de 80 000 $, pour le motif qu’on avait violé le contrat et qu’on n’avait pas été honnête envers lui, et pour se faire payer les extras qu’il avait effectués gratuitement pour les associations condominiales. Ces dernières ont répondu qu’elles avaient respecté leur obligation. Elles ont affirmé que le fait de ne pas avoir dit certaines choses à M. Callow ne signifiait pas qu’elles avaient été malhonnêtes à son endroit.
La juge du procès a conclu que les associations condominiales savaient qu’elles allaient mettre fin au contrat. Malgré cela, elles ont activement amené M. Callow à penser que son contrat n’était pas en danger et qu’il allait probablement être renouvelé, en ayant avec lui des communications qui suggéraient cela. La juge a déclaré que les associations devaient payer à M. Callow tout ce qu’il demandait, sauf pour les services rendus gratuitement. La Cour d’appel n’a toutefois pas été du même avis. Elle a jugé que les associations n’avaient pas été malhonnêtes. Elle a ajouté que tout ce qu’ont fait les associations et qui a pu induire M. Callow en erreur se rapportait au contrat suivant (et aux deux futurs hivers pour lesquels ce dernier espérait être embauché), et non au contrat en vigueur. Il ne peut y avoir d’obligation d’exécution honnête dans le cas d’un contrat qui n’existe pas encore.
Les juges majoritaires de la Cour suprême ont déclaré que les associations condominiales ont violé le contrat. Les associations avaient l’obligation d’agir honnêtement envers M. Callow. Elles ont été malhonnêtes dans la manière dont elles ont mis fin au contrat. Elles l’ont activement induit en erreur et amené à croire qu’elles étaient satisfaites de son travail et qu’elles ne mettraient pas fin au contrat avant qu’il n’arrive à échéance. Les juges majoritaires ont affirmé que la malhonnêteté se rapportait au contrat en vigueur, car les associations condominiales avaient agi malhonnêtement en y mettant fin.
Les juges de la majorité ont expliqué que l’obligation d’exécution honnête ne signifie pas qu’une partie à un contrat doit sacrifier ses intérêts au profit des intérêts de l’autre partie. Cette obligation n’exigeait pas des associations condominiales qu’elles disent à M. Callow qu’elles allaient mettre fin au contrat avant son échéance. Elle les obligeait toutefois à ne pas induire ce dernier en erreur à ce sujet. En effet, les associations ne pouvaient faire comme si le contrat allait être renouvelé une fois qu’elles savaient qu’elles y mettraient fin.
Les contrats ont pour effet d’accorder à chacune des parties des droits qu’elle peut invoquer contre l’autre. Les juges majoritaires ont déclaré que personne n’est autorisé à exercer de façon malhonnête un droit qui lui est accordé par un contrat.
Le droit civil et la common law sont deux traditions juridiques canadiennes. Le droit civil – qui découle historiquement du droit français – est le droit qui régit les contrats au Québec. La common law – qui découle historiquement du droit anglais – est le droit qui s’applique dans le reste du Canada. Même si la présente affaire a été décidée en vertu du droit applicable en Ontario, les juges majoritaires ont examiné des sources québécoises de droit civil afin d’aider à expliquer comment cette affaire devait être tranchée en vertu de la common law. Les juges majoritaires ont affirmé que les notions de droit civil étaient utiles afin de déterminer si la malhonnêteté se rapportait au contrat en vigueur.