La Cause en bref
Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.
R. c. Zora
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 18 juin 2020
- Citation neutre : 2020 CSC 14
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique
- Renseignement sur le dossier (38540)
- Diffusion Web de l'audience (38540)
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Décisions des tribunaux inférieurs :
- Jugement (Cour provinciale de la Colombie-Britannique) (en anglais seulement) (non publié)
- Appel (Cour suprême de la Colombie-Britannique) (en anglais seulement)
- Appel (Cour d’appel de la Colombie-Britannique) (en anglais seulement)
Sommaire de la Cause
Pour être déclarée coupable de ne pas avoir respecté les conditions de sa mise en liberté sous caution, la personne doit savoir qu’elle ne les respectait pas (ou savoir qu’elle risquait sérieusement de ne pas les respecter), a statué la Cour suprême.
Lorsqu’une personne est accusée d’un crime, elle est présumée innocente tant qu’elle n’est pas déclarée coupable en cour. C’est pourquoi une personne qui est arrêtée devrait normalement être remise en liberté sous caution avant son procès. Un tribunal peut imposer des conditions de mise en liberté sous caution pour certaines raisons, comme la protection du public. Les conditions sont des règles que doit suivre la personne.
Le non-respect d’une condition de mise en liberté sous caution est un crime. Cela est vrai même si la personne n’est pas déclarée coupable des accusations initiales, et même si l’acte qui constitue le non-respect (par exemple, rentrer trop tard) n’est pas un crime en tant que tel et que personne n’est blessé.
M. Zora a été accusé de crimes relatifs aux drogues et était en liberté sous caution. Une de ses conditions était de respecter le couvre-feu qui lui était imposé (il devait être rentré à une certaine heure). Une autre était qu’il devait répondre à la porte dans un délai de cinq minutes lorsqu’on venait vérifier s’il était à la maison. À deux reprises, M. Zora n’a pas répondu à la porte lorsque la police s’est présentée. Il a été accusé de ne pas avoir respecté ses conditions de mise en liberté sous caution. M. Zora a affirmé qu’il était à la maison à ces deux occasions mais qu’il n’avait pas entendu quelqu’un sonner à la porte.
Le juge du procès l’a déclaré coupable de ne pas avoir répondu à la porte. Le juge d’appel des poursuites sommaires et la Cour d’appel étaient aussi de cet avis.
Cette affaire portait sur la nature du crime de non-respect d’une condition de mise en liberté sous caution. Pour être coupable d’un crime, une personne doit faire quelque chose qui est contre la loi (criminelle). Il s’agit de l’« actus reus », ce qui signifie « acte coupable » en latin. (Dans cette affaire, l’actus reus était de ne pas répondre à la porte.) Mais quelque chose doit rendre la personne responsable de ce qu’elle a fait. Il s’agit de la « mens rea », ce qui signifie « état d’esprit coupable » en latin. Pour bien des crimes, une personne est responsable si elle voulait ou savait ce qui aurait pu se passer, ou si elle en était consciente. Il s’agit de la mens rea « subjective ». Mais pour certains crimes, une personne peut être responsable même si elle n’avait pas l’intention de faire quelque chose de mal. Il s’agit de la mens rea « objective »; c’est-à-dire que les tribunaux se demandent si la personne accusée a fait quelque chose de très différent de ce qu’une personne ordinaire, judicieuse, aurait fait dans la même situation. Les tribunaux canadiens ne s’entendent pas sur la mens rea requise pour l’infraction de non-respect d’une condition de mise en liberté sous caution.
Les juges de la Cour suprême du Canada étaient unanimes. L’ensemble des juges a affirmé que la mens rea requise pour le non-respect d’une condition de mise en liberté sous caution était subjective. Pour décider si elle est coupable du non-respect d’une condition de mise en liberté sous caution, les tribunaux doivent se demander ce que la personne savait réellement ou si elle savait ce qui aurait pu se passer.
Le droit criminel est fondé sur le principe qu’une personne moralement innocente ne devrait pas être punie. C’est pourquoi les tribunaux supposent que la mens rea pour les crimes est subjective. Il y a exception si le Parlement le précise dans le Code criminel. Dans cette affaire, le Parlement n’a rien indiqué.
La Cour a affirmé que le Parlement voulait que la mens rea pour le non-respect des conditions de mise en liberté sous caution soit subjective. Le fait d’être déclaré coupable du non-respect d’une condition peut avoir d’importantes répercussions sur la vie d’une personne. Elle peut être emprisonnée pour une période allant jusqu’à deux ans pour chaque non-respect d’une condition et est plus susceptible de se voir refuser la mise en liberté sous caution à l’avenir. Cela touche particulièrement les personnes vulnérables et marginalisées qui peuvent faire l’objet de nombreuses accusations parce qu’elles ne peuvent respecter leurs conditions. Le fait de porter des accusations contre des personnes qui n’ont pas respecté les conditions n’est pas la seule façon de les empêcher d’enfreindre leurs conditions. Le crime existe pour dissuader les personnes qui savent qu’elles ne respectent pas leurs conditions, ou qui savent qu’elles risquent de le faire, mais qui le font quand même. Le Parlement voulait que les tribunaux tiennent compte de la situation de la personne lorsque le non-respect d’une condition s’est produit.
La Cour a aussi indiqué comment les conditions de mise en liberté sous caution devraient être établies. Normalement, il ne devrait pas y avoir de conditions à la mise en liberté sous caution. Si des conditions sont imposées, il devrait y en avoir le moins possible. Elles doivent être claires et nécessaires, et doivent correspondre au risque que pose la situation. Les tribunaux doivent veiller à ne pas imposer des conditions de mise en liberté sous caution que la personne ne peut respecter.
Dans le cas de M. Zora, la Cour a conclu qu’il devrait y avoir un nouveau procès. Le nouveau procès devrait trancher la question de savoir s’il savait qu’il ne respectait pas ses conditions de mise en liberté sous caution, ou qu’il avait créé un risque sérieux de ne pas pouvoir les respecter.
C’était la première fois que la Cour suprême du Canada se penchait sur la mens rea requise pour l’infraction de non-respect des conditions de mise en liberté sous caution. Récemment, la Cour a examiné la mise en liberté sous caution et la détention avant le procès dans R. c. Myers.