La Cause en bref
Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.
R. c. T.J.M.
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 29 janvier 2021
- Citation neutre : 2021 CSC 6
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta
- Renseignement sur le dossier (38944)
- Diffusion Web de l'audience (38944)
Sommaire de la Cause
Tant une cour provinciale qu’une cour supérieure (ayant compétence pour trancher des affaires criminelles) ont le pouvoir d’entendre et de décider une demande de mise en liberté sous caution présentée par un adolescent accusé en vertu du Code criminel, juge la Cour suprême.
La présente cause porte sur le concept juridique que l’on appelle la « compétence ». Le mot « compétence » désigne le pouvoir qu’a un tribunal de juger des affaires. Plus précisément, il s’agit de déterminer si un juge d’une cour supérieure (possédant le pouvoir de décider des affaires criminelles) peut entendre et trancher une demande de mise en liberté sous caution présentée par un adolescent accusé de meurtre en vertu du Code criminel.
Au Canada, c’est la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) qui régit le système de justice applicable aux adolescents. Suivant cette loi, un adolescent est une personne qui est âgée d’au moins 12 ans, mais qui a moins de 18 ans, et à qui on reproche d’avoir commis des infractions criminelles.
T.J.M. était un adolescent visé par la LSJPA. Il a été accusé de meurtre au deuxième degré, et la Couronne (c’est-à-dire la poursuite) a indiqué qu’elle avait l’intention de réclamer une peine pour adultes s’il était déclaré coupable. Dans l’une et l’autre de ces situations, l’adolescent concerné peut choisir le type de procès qu’il désire en vertu de la LSJPA. En conséquence, le choix du type de procès qui allait se dérouler appartenait à T.J.M. Ce dernier a choisi d’être jugé par un juge de la cour supérieure siégeant seul (sans jury) et de faire l’objet d’une enquête préliminaire. En Alberta, la cour supérieure est appelée « Cour du Banc de la Reine de l’Alberta ».
L’avocat de T.J.M. s’est présenté en cour supérieure et a demandé la mise en liberté sous caution de son client en vertu d’un article de la LSJPA qui précise que, si un adolescent est accusé d’une infraction prévue par un article précis du Code criminel, l’adolescent en question ne peut être remis en liberté que par un juge du tribunal pour adolescents. Le meurtre est une des infractions mentionnées dans cet article du Code criminel.
Le juge de la cour supérieure a estimé qu’il n’avait pas compétence pour entendre la demande de mise en liberté sous caution d’un adolescent, même dans les cas où un adolescent choisit d’être jugé en cour supérieure. Le juge a dit être d’avis que seul le tribunal pour adolescents désigné pour la province concernée a alors compétence — dans le présent cas, il s’agissait de la cour provinciale. La décision du juge était basée sur son interprétation de la LSJPA. En Alberta, la cour provinciale porte le nom de « Cour provinciale de l’Alberta ».
Tous les neuf juges de la Cour suprême du Canada ont conclu que, selon la LSJPA, le « tribunal pour adolescents » d’une province est le tribunal établi par cette dernière afin d’agir comme tel, et qu’un juge siégeant à ce tribunal est un « juge du tribunal pour adolescents ». La LSJPA énonce aussi trois circonstances dans lesquelles la cour supérieure de juridiction criminelle dans la province aurait compétence. Il s’agit de toute circonstance où on laisse l’adolescent choisir le type de procès, et où ce dernier décide d’être jugé par un juge de la cour supérieure siégeant avec ou sans jury.
Les juges de la Cour suprême ont déclaré que le fait qu’un adolescent choisisse un type de procès plutôt qu’un autre est sans importance. La LSJPA exige que l’adolescent soit jugé par un juge du tribunal pour adolescents, c’est-à-dire soit par un juge du tribunal pour adolescents provincial, soit par un juge d’une cour supérieure.
La Cour suprême s’est ensuite penchée sur le sens du mot « procédure » dans ce contexte. Selon elle, le mot « procédure » ne signifie pas uniquement le procès. Il vise également toute mesure prise après le choix de l’adolescent d’être jugé en cour supérieure, y compris une demande de mise en liberté sous caution. Par conséquent, un juge d’une cour supérieure a compétence pour entendre et trancher une demande de mise en liberté sous caution.
La Cour a également conclu que tant le tribunal pour adolescents provincial que la cour supérieure ont le pouvoir de trancher des demandes de mise en liberté sous caution dans de telles circonstances.
Avant que la Cour suprême entende le présent appel, la question était toutefois devenue « théorique ». Cela signifie que, dans de tels cas, la décision du tribunal sur la question n’est plus importante pour les parties directement concernées. En effet, la Couronne avait déjà inscrit un « arrêt des procédures », en d’autres mots, elle avait mis fin aux poursuites criminelles. T.J.M. avait été remis en liberté, et il n’y aurait donc pas d’enquête préliminaire ou de procès.
La présente affaire est visée par une « interdiction de publication », c’est-à-dire que personne n’est autorisé à publier quelque information que ce soit qui serait susceptible de révéler l’identité de T.J.M. Dans de tels cas, les tribunaux utilisent des initiales pour protéger l’identité des personnes en cause dans l’affaire. Si une personne ne respecte pas l’interdiction de publication, elle peut se voir infliger une peine d’emprisonnement, une amende ou les deux. Il est permis de publier des détails au sujet d’une telle affaire, pourvu que ceux-ci ne dévoilent pas l’identité des personnes protégées par l’interdiction.
En règle générale, la LSJPA protège la vie privée des adolescents qui sont accusés ou déclarés coupables d’un crime en faisant en sorte que leur identité et d’autres renseignements personnels les concernant demeurent confidentiels.