La Cause en bref
Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.
Montréal (Ville) c. Restructuration Deloitte Inc.
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 10 décembre 2021
- Citation neutre : 2021 CSC 53
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Décompte de la décision :
- Majorité : Le juge en chef Wagner et la juge Côté ont rejeté l’appel, concluant que la Ville ne pouvait pas utiliser la compensation pré-post afin de réduire ou d’annuler la créance pour les travaux effectués par le Groupe SM (avec l’accord des juges Moldaver, Karakatsanis, Rowe et Martin)
- Dissidence : Le juge Brown aurait accueilli l’appel, mais uniquement afin de renvoyer l’affaire à la Cour supérieure du Québec pour qu’elle décide si la Ville pouvait opérer compensation, étant donné que ce tribunal avait cru erronément qu’il ne possédait pas le pouvoir discrétionnaire d’autoriser la compensation.
- En appel de la Cour d’appel du Québec
- Renseignement sur le dossier (39186)
- Décisions des tribunaux inférieurs :
Sommaire de la Cause
La Cour suprême juge que la Ville de Montréal ne pouvait pas appliquer des paiements faits dans le cadre du programme de remboursement volontaire du Québec pour compenser les sommes qu’elle devait à un entrepreneur.
Cette affaire concerne la Ville de Montréal et un de ses entrepreneurs, une firme de génie-conseil appelée Groupe SM. En 2018, Groupe SM, qui cherchait alors à éviter la faillite, a demandé à la Cour supérieure du Québec de la placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Un tel processus est appelé une restructuration.
Groupe SM a également participé à un programme de remboursement volontaire de deux ans prévu par une loi québécoise et visant à recouvrer des sommes payées « dans le cadre de l’adjudication, de l’attribution ou de la gestion d’un contrat public et pour lequel il aurait pu y avoir fraude ou manœuvre dolosive ». Cette loi de 2015 a été adoptée dans la foulée de la Commission d’enquête Charbonneau, qui portait sur des stratagèmes de collusion et de corruption dans l’octroi de contrats publics dans l’industrie de la construction.
La Cour supérieure a accueilli la demande de Groupe SM. Elle a nommé Restructuration Deloitte (Deloitte) à titre de contrôleur de la restructuration de la compagnie, et elle a ordonné une « suspension des procédures ». La suspension a eu pour effet d’interrompre toutes les poursuites judiciaires contre la firme de génie-conseil afin de lui donner la possibilité de remettre son entreprise sur les rails.
À la suite de cette ordonnance initiale de la Cour, Groupe SM a continué la construction du pont Samuel de Champlain et la réfection de l’échangeur Turcot à Montréal. Toutefois, la Ville a refusé de payer ces travaux. Elle a dit qu’elle pouvait utiliser une méthode appelée « compensation pré-post » afin de réduire ou d’effacer complètement sa dette envers Groupe SM à l’égard des travaux effectués par celui-ci. Cela signifiait que la Ville appliquerait les paiements faits par Groupe SM dans le cadre du programme de remboursement volontaire (PRV) afin de compenser les sommes qu’elle lui devait pour les travaux relatifs au pont et à l’échangeur. La compensation pré-post n’est généralement pas autorisée par les tribunaux, mais la Ville a affirmé qu’elle devrait l’être dans la présente affaire, parce que les sommes dues par Groupe SM dans le cadre du PRV résultaient de fraude.
À la suite du refus de payer de la Ville, Deloitte a demandé à la Cour supérieure d’interdire à la Ville d’utiliser la compensation pré-post. La cour a accueilli la demande de Deloitte. La Ville a ensuite fait appel de cette décision devant la Cour d’appel. Lorsque celle-ci a confirmé que la Ville ne pouvait pas utiliser la compensation pré-post, la Ville s’est adressée à la Cour suprême du Canada.
La Cour suprême a elle aussi jugé que la Ville ne pouvait pas utiliser la compensation pré-post.
La Ville n’a pas fait la preuve que la créance PRV résultait de fraude.
Rédigeant les motifs des juges majoritaires, le juge en chef Wagner et la juge Côté ont expliqué qu’une créance PRV ne se rapporte pas nécessairement à une fraude. Ils ont écrit, « la seule participation au PRV par une société débitrice n’est pas suffisante pour inférer la commission d’une fraude par cette dernière à l’endroit d’un organisme public ». Dans le présent cas, la Ville de Montréal avait encore le fardeau de prouver que Groupe SM avait commis une fraude, ce qu’elle n’a pas fait.
Les juges majoritaires ont déclaré qu’un tribunal ne devrait généralement pas autoriser la compensation pré-post, sauf s’il existe des circonstances exceptionnelles. Selon eux, de telles circonstances exceptionnelles n’existaient pas en l’espèce.