La Cause en bref
Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.
R. c. Bissonnette
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 27 mai 2022
- Citation neutre : 2022 CSC 23
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel du Québec
- Renseignement sur le dossier (39544)
- Diffusion Web de l'audience (39544)
- Décisions des tribunaux inférieurs :
Sommaire de la Cause
La Cour suprême juge inconstitutionnel l’article du Code criminel qui permet de condamner un contrevenant à des périodes consécutives d’inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans en cas de multiples meurtres au premier degré.
Le soir du 29 janvier 2017, Alexandre Bissonnette est entré dans la Grande Mosquée de Québec armé d’une carabine semi-automatique et d’un pistolet, et il a fait feu en direction des fidèles. Il a tué six personnes et en a blessé grièvement cinq autres. Au procès, il a plaidé coupable à toutes les accusations pesant contre lui, notamment six chefs d’accusation de meurtre au premier degré.
La peine prévue au Canada en cas de meurtre au premier degré est l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Lorsqu’une personne est déclarée coupable de multiples meurtres au premier degré, cette période d’inadmissibilité de 25 ans s’applique à l’égard de chacun des meurtres. Normalement, le contrevenant purge chacune de ses peines en même temps (concurremment), mais au procès le procureur de la Couronne a demandé au juge d’appliquer l’article 745.51 du Code criminel, qui permet que les périodes d’inadmissibilité à la libération conditionnelle pour chaque condamnation pour meurtre soient purgées l’une à la suite de l’autre (consécutivement). L’application de cette disposition aurait fait en sorte que le contrevenant aurait été condamné à 6 périodes consécutives d’inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans, pour un total de 150 ans. Toutefois, le procureur du contrevenant a plaidé que cette disposition est inconstitutionnelle. Le juge du procès lui a donné raison et a condamné le contrevenant à cinq périodes d’emprisonnement de 25 ans à être purgées concurremment, ainsi qu’à une période de 15 ans à l’égard du sixième meurtre au premier degré à être purgée consécutivement, pour une période totale d’inadmissibilité à la libération conditionnelle de 40 ans.
Le contrevenant a porté cette peine en appel devant la Cour d’appel du Québec. Celle-ci a conclu à l’inconstitutionnalité de la disposition, mais a ordonné que le contrevenant purge les six peines concurremment, pour une période totale d’inadmissibilité de 25 ans. La Couronne a alors interjeté appel à la Cour suprême du Canada.
La Cour suprême a rejeté l’appel.
L’article 745.51 du Code criminel viole l’article 12 de la Charte et est donc inconstitutionnel.
Rédigeant la décision unanime de la Cour suprême, le juge en chef Richard Wagner a affirmé que l’article 745.51 du Code criminel viole l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés d’une manière qui ne peut se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique. L’article 12 de la Charte garantit à chacun le droit de ne pas se voir infliger de peines cruelles et inusitées. Cette disposition a pour objet de protéger la dignité humaine et d’assurer le respect de la valeur inhérente à chaque personne.
En cas de meurtres multiples, l’article 745.51 du Code criminel permet au tribunal d’infliger une peine d’emprisonnement sans possibilité de libération conditionnelle avant 50, 75, 100 ou même 150 ans. Cette disposition « autorise le tribunal à ordonner à un contrevenant de purger un temps d’épreuve qui dépasse l’espérance de vie de toute personne humaine, une peine dont l’absurdité est de nature à déconsidérer l’administration de la justice », a écrit le juge en chef.
Une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité réaliste de libération conditionnelle présuppose que le contrevenant est irrécupérable et que sa réhabilitation est impossible. Cette peine est dégradante et incompatible avec la dignité humaine. Elle constitue une peine cruelle et inusitée. « En retirant à l’avance aux contrevenants toute possibilité de réintégrer la société, l’article 745.51 ébranle les fondements mêmes du droit criminel canadien, » a conclu le juge en chef.
Vu cette conclusion, le juge en chef a déclaré l’article 745.51 invalide à partir de la date de son adoption en 2011. En conséquence, le droit qui s’appliquait avant cette date continue de s’appliquer. Cela signifie que le contrevenant doit purger une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant une période totale de 25 ans.